vendredi 4 mars 2016

Verstehen Sie Deutsch ?



Zébus dans la rizière inondée

L'autre jour, je pars à moto photographier quelques maisons pour illustrer un post sur l'architecture locale. En chemin, je croise une gardeuse de vaches. Elle est dans un pré, avec six ou sept bêtes. Elle porte une cagoule si fermée que je ne distingue pas l'avant de sa tête de l'arrière avant de regarder ses pieds... ou pour être honnête, sa poitrine qui tend son pull et qu'elle a extrêmement avantageuse.

C'est une cagoule de laine noire, avec un genre de motif derrière. On en voit avec des fentes de braqueurs de banques, mais d'aussi étroites, jamais.

Pourquoi un tel couvre-chef, alors qu'il est trois heures de l'après-midi, et qu'il fait vraiment très chaud ? Sans doute du fait du préjugé relatif à la couleur de peau, si répandu en Thaïlande. Ma fille en fait les frais : pour lui conserver son teint délicat, on ne l'expose jamais. Résultat, elle présente de temps en temps des petites desquamations qui passent en quelques jours, mais qui inquiètent toute la famille. A partir du moment où on lui a donné dix minutes de soleil par jour, les épisodes ont disparu.

Bref, plus une peau est blanche, plus on trouve la personne jolie. Ce qui aboutit à un statut un peu paradoxal des chinoises, immigrées, mais très blanches de peau. Un peu comme si on avait des suédoises qui travaillaient à la chaîne chez Renault...

Au-delà du préjugé racial, les thaïs se méprennent sur la couleur noire. Pour eux, le noir, c'est l'ombre, c'est la nuit, c'est le soleil qu'on arrête… et c'est donc la fraîcheur. Les voitures et les maisons ont toutes des vitres teintées, ce qui est parfaitement contre-productif. En effet, le sombre, et au maximum le noir absorbent la lumière et la chaleur, et ne les renvoient pas : le noir tient chaud quand il fait chaud. Pour d'autres raisons, une couleur de peau sombre, bronzée, chargée en mélanine, protège des radiations UV. Est-ce cette observation qui motive la croyance locale selon laquelle le noir protège de la chaleur et de la lumière ?

Ma vachère est quand même drôlement harnachée. J'ai mon appareil photo, c'est l'occasion ou jamais. Je m'arrête, je fait demi-tour et je roule lentement vers elle. Elle aussi m'a repéré et elle vient vers moi, ce que je voulais éviter, pour la prendre dans l'exercice de ses fonctions... Je ne sais plus qui a parlé en premier. Mais je lui ai dit que je voulais faire une photo d'elle, elle a dit d'accord, avant d'enchaîner sur une phrase assez longue en allemand, phrase qui se terminait pas "Vous comprenez, n'est-ce pas ?"

Je dois dire que je suis tombé sur le c... Je parle médiocrement l'allemand, mais j'avais bien compris, et j'ai eu l'impression qu'elle ne s'exprimait pas si mal.

Alors imagine-toi au milieu de la campagne thaïe, dans un coin bien paumé, rizières et palmiers en toile de fond. Tu t'adresses à une vachère qui a l'air de tout ce qu'il y a de plus rural, et elle t'apostrophe dans la langue de Gunther Grass !

On a échangé quelques phrases courtes, j'ai sorti mon appareil photo, et je me suis rappelé que j'avais mis la batterie en charge à la maison. Scheisse…! Je lui ai expliqué (en allemand). Elle m'a répondu (dans la même langue) : "dans ce cas, allez la chercher, et revenez vite ! Je ne vais pas bouger beaucoup."

La dame est certainement mariée à un allemand, ou l'a été. C'est dire la pénétration du teuton… jusqu'au fin fond de l'Asie. Que peut-il en sortir ? Quels liens profonds peuvent se nouer entre l'Occident et la Thaïlande ?

Note au passage que les farangs qui parlent le thaï sont très rares, alors que les thaïs essayent de parler anglais - je dis "essayent", parce que le résultat n'est pas fameux : c'est aussi dur pour eux que pour nous. Notre seule excuse, c'est que nous n'avons jamais eu de cours de thaï à l'école.

Je découvrais il y a une heure sur un forum d'expatriés la belle unanimité des intervenants qui s'accordaient à dire qu'en Thaïlande, on peut s'adapter, oui, au prix d'un effort qu'il n'est pas impossible de faire. Mais s'intégrer - jamais. Les farangs sont tolérés pour des raisons économiques, quasiment sans droits.

Déjà qu'en Bretagne, il y a bien des endroits où il faut au moins vingt ans pour faire son trou - et encore, on est y toujours désigné comme le parisien - même si on est d'Arras. Alors tu imagines ici…!

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